Vingtième épisode : L'Union sacrée.


                  Le mercredi 15, le comité de Sauvegarde nationale se réunit à huis-clos pour étudier les listes remises par les divers partis et définir sa ligne de conduite. En ce jour de total farniente, des soldats en armes et des véhicules militaires patrouillaient dans quelques endroits-clés de la capitale et des grandes villes, mais dans l’ensemble l’agitation touristique ne semblait particulièrement troublée, ni par le putsch, ni par les opérations de pacification en cours dans les banlieues proches. Les émeutes n’avaient pas atteint Paris et, la première émotion passée, le commerce avait repris comme d’habitude. Il y avait eu deux sortes de touristes : ceux qui avaient pris peur et étaient partis tout de suite, les autres qui étaient restés et s’en trouvaient bien. On évitait juste de prendre le RER, au cas où, malgré les patrouilles armées qui arpentaient les stations Châtelet, Nation ou Gare de Lyon.
                Le jeudi 16, en cours de journée, il y eut des appels téléphoniques, des tractations, des convocations et des rencontres. Et le soir, par une nouvelle allocution diffusée simultanément sur toutes les chaînes généralistes, le général Guelfes de Combier, major-général des armées et présentement secrétaire général du comité de Sauvegarde,  informait les Français de la composition du gouvernement d’union nationale.
                Bertrand Delanoë restait Premier ministre. Le maire de Paris avait obtenu un consensus général, tant sa bonhommie et son efficacité affectueuse étaient appréciées de tous. De plus, cette décision permettait au comité de rester autant que faire se pouvait dans les apparences d’une certaine légalité. Laurent Fabius, l’ancien Premier ministre de la rigueur mitterrandienne, prenait les Finances en main avec Valérie Pécresse comme ministre du Budget. Alain Juppé prenait la responsabilité des Affaires étrangères, avec Pierre Moscovici et Nicolas Dupont-Aignan pour le seconder sur les questions européennes. Jean-Pierre Chevènement devenait ministre de l’Education. Marine Le Pen était nommée à la Famille, avec rang de ministre. Benoît Hamon conservait les Affaires sociales, tandis que le ministère de l’Industrie revenait à Jean-Luc Mélenchon et le secrétariat d’Etat aux PME à Alain Madelin. Jean-Vincent Placé restait aux Transports. Le ministère de la Justice était octroyé à l’avocat Jean-François Copé. Corinne Lepage se voyait confier un ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. François Hollande veillerait sur la Fonction publique et Ségolène Royal, forte de son expérience poitevine, sur l’Aménagement du territoire. Xavier Bertrand, l’ancien assureur, aurait la charge d’un nouveau ministère consacré aux Professions libérales et au secteur tertiaire. Enfin, le directeur général de la gendarmerie, Edouard Tourdion, prenait le portefeuille de l’Intérieur et le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Schreiber, celui de la Défense. La Culture était confiée à Anne Sinclair.
                Le lendemain de cette annonce, François Bayrou publia un communiqué de presse pour faire savoir que « conscient de ses responsabilités devant la France et devant l’Histoire, il accepterait de tenir toute sa place dans un gouvernement de reconstruction nationale ». Il n’y fut pas donné suite.

(A suivre)