Douzième épisode : Jacques Chirac achète des légumes.



                Le 26 juillet, lendemain de la Saint-Jacques, Paris-Match consacra sa couverture à « Jacques Chirac, un retraité comme les autres ». Souriant et bronzé, en polo Lacoste, bermuda et sandales, l’ancien président y était photographié panier à la main en train d’acheter des légumes sur un marché provençal. Dans une interview de quatre pages, il confirmait sa bonne forme, évoquait se vie de famille et portait quelques appréciations sur l’état du pays. Etat, selon lui, plus qu’alarmant. La France, affirmait-il, « allait très mal ». Jacques Chirac concluait ses propos en appelant les Français à l’unité et à un effort de redressement national pour lequel il fallait mobiliser « toutes les ressources et toutes les armes dont la France pourrait disposer en tant qu’état souverain ». A l’UMP, on ne fut pas long à décrypter le message. « Le Grand a complètement perdu les pédales, commenta Jean-François Copé à son premier cercle. Voilà qu’il appelle à sortir de l’euro, maintenant ! Si on ne le retient pas, il va finir chez les Le Pen ».
                Chez les Le Pen, en attendant, on se tenait tranquille. La victoire écrasante des Législatives, il faut bien le dire, avait un peu pris de court un parti qui tenait davantage de la grosse PME réactive que de l’administration bien rodée. Il avait fallu recruter en catastrophe des attachés parlementaires, répartir les rôles en gérant les inimitiés personnelles et les querelles d’ego, équilibrer les divers courants sans provoquer de remous meurtriers, trouver des lots de consolation à ceux qui avaient frôlé la victoire sans parvenir à la saisir… Dans son bureau de Nanterre, Marine Le Pen passait des heures à recevoir les mécontents, à faire des promesses, à calmer des rancœurs et à tenter de canaliser un père qui s’obstinait encore à vouloir tout régenter. Bref, elle était largement trop prise pour se payer encore le luxe de lancer le commentaire ou la phrase qui auraient fait parler d’elle.
                Jusqu’à ce que se produisent les émeutes.

(A suivre)