Septième épisode : François Hollande reprend du poids.

 

      Sitôt achevées les réjouissances rituelles et les discours de circonstances, Martine Aubry se mit au travail. Elle appela Bertrand Delanoë, le nomma Premier ministre et le chargea de lui proposer le gouvernement qu’elle avait elle-même composé entre les deux tours. C’était un gouvernement modèle : les postes-clés étaient tenus par des amis sûrs, les alliés y étaient ficelés dans des postes complexes et sans pouvoir réel où ils avaient toutes les chances d’échouer, et tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un hollandiste en était exclu comme une mauvaise herbe d’un jardin à la française. Sauf un, qui lui servirait d’alibi, qu’elle aurait à sa botte et qu’elle se ferait un plaisir de tourmenter à date régulière. Aucun doute, c’était de la belle ouvrage. Avec une émotion fugace, elle songea que Mitterrand aurait été fier d’elle.
      François Hollande avait déjà acheté le costume et la cravate qu’il destinait à son entrée à Matignon lorsqu’il apprit par la radio le nom du nouveau Premier ministre. Il manqua en faire une attaque. Anxieux, il s’installa devant son téléviseur et attendit l’annonce de la composition du gouvernement en dévorant l’un derrière l’autre des paquets de chips format familial. Lorsque Jean-Marc Germain, le nouveau secrétaire général de l’Elysée, lut devant les caméras la liste des heureux élus, ce fut pire que tout. Martine avait placé tous ses fidèles : Marylise Lebranchu aux Finances, Emmanuelli à l’Intérieur, Guigou à la Défense, Hamon au Travail et à l’Emploi, Lamy au Budget, Bachelay à l’Industrie… Pour Michel Destot, elle avait créé un ministère « de la Ville, de l’Agriculture et de la Ruralité », pour Marie-Noëlle Lienemann elle avait réuni dans un même portefeuille les Affaires sociales et le Logement, et pour Harlem Désir elle avait imaginé le ministère « de l’Education nationale et de l’Intégration ». Une trouvaille inattendue : pour la Culture, elle avait débauché Denis Olivennes, l’ancien patron de la FNAC et de Lagardère, le chantre de la loi HADOPI… Et pour faire bonne mesure, elle avait nommé Eva Joly Garde des Sceaux et Jean-Vincent Placé au ministère « de l’Ecologie, du Développement durable et des Transports » ! Entre les problèmes de la magistrature, ceux des prisons, ceux des cheminots et ceux des chauffeurs routiers, ils n’avaient pas fini de rigoler, ces deux-là… Mais le pire du pire, c’était le nom du ministre des Affaires étrangères et européennes. Moscovici. Son fidèle, son lieutenant, son Patrocle. Moscovici, qui avait dirigé sa campagne de la primaire et qui semblait le trahir pour un plat de lentilles… Avec un gros soupir malheureux, François Hollande s’enfonça dans son fauteuil et ouvrit un nouveau paquet de chips.
       La composition du gouvernement fut accueillie par l’opinion avec un intérêt poli. De toute façon, la plupart de ceux qui avaient voté pour la nouvelle présidente ne se faisaient guère d’illusions sur les marges de manœuvres de leurs dirigeants. L’important était que les choses continuent cahin-caha sans trop remettre en cause leur situation personnelle. Pour le reste, demain était un autre jour.

(A suivre)